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Pas d'augmentation générale mais les fonctionnaires qui perdent du pouvoir d'achat auront une indemnité compensatrice, annonce Eric Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique. Les syndicats, déçus, menacent d'un mouvement social.
Le gouvernement a proposé aujourd’hui de mettre en place pour les fonctionnaires un dispositif de «garantie individuelle du pouvoir d'achat», décevant fortement les syndicats partisans d'une augmentation générale des salaires.
Plusieurs syndicats ont jugé probable une nouvelle mobilisation en début d'année prochaine.
Après plus de deux heures de négociations sur «le maintien du pouvoir d'achat» des fonctionnaires, le ministre du Budget et de la Fonction publique, Eric Woerth, n'a en effet pas annoncé de revalorisation du point d'indice (base de calcul des salaires), renvoyant à janvier des «discussions» sur le sujet.
Sans répondre à l'exigence d'augmentation collective des syndicats, le ministre a présenté un mécanisme «extrêmement novateur» selon lui, permettant aux 5,2 millions d'agents de ne pas avoir de perte de salaire par rapport à la hausse des prix.
Une «prime» pour couvrir l'écart avec l'inflation
«L'idée de base est simple: aucune personne ne peut travailler pour l'Etat et en même temps perdre de l'argent», a expliqué Eric Woerth, évaluant à «plusieurs centaines de millions d'euros» le coût de ce dispositif pour les trois fonctions publiques (Etat, collectivités, hôpitaux).
«Plutôt que de raisonner en moyenne, je veux raisonner en cas individuel», a-t-il martelé. Interrogé ce matin sur France 2, le ministre s'était prononcé contre «une augmentation générale» des rémunérations des fonctionnaires qui serait une «augmentation anonyme».
Eric Woerth a expliqué aux syndicats qu’une «bonification indiciaire» ou «prime» permettra ainsi de «couvrir l'écart entre l'évolution du traitement et celle de l'inflation» pour tous les fonctionnaires.
Ainsi, selon M. Woerth, 17% des agents ont vu leur traitement indiciaire (hors primes) progresser moins vite que l'inflation malgré leur ancienneté et les revalorisations du point d'indice entre 2001 et 2005. Le ministre avait pourtant dit ce matin sur France 2 que «l'Insee nous dit que 24% des fonctionnaires ont perdu du pouvoir d'achat sur les six dernières années.»
Le nouveau dispositif entrera en vigueur dès 2008 et «pour le quinquennat». Et le ministre s'est dit prêt «à regarder ce qu'on peut faire dans le domaine du rattrapage du pouvoir d'achat entre 2003 et 2007».
«On nous donne de l'aspirine sans traiter les causes de la maladie»
Ses propositions ont été rejetées en bloc par les syndicats, qui se réuniront demain soir pour faire le point.
«Le gouvernement reste sourd aux revendications, on est sur des mesures parcellaires et individualisées et il n'y a aucune mesure chiffrée», a déploré Jean-Marc Canon (CGT), souhaitant une «nouvelle intervention forte des salariés dès le mois de janvier».
Déjà très remontés contre les 22 900 suppressions de postes en 2008, les syndicats avaient appelé à la grève le 20 novembre, mobilisant près d'un agent de l'Etat sur trois.
«Personne n'est satisfait, on n'a pas engagé de négociations», a résumé Gérard Aschieri (FSU). «On nous donne de l'aspirine sans traiter les causes de la maladie», a-t-il analysé. Se disant «très déçu» par ces propositions, il prévient qu'il «faudrait sans doute une piqûre de rappel en terme de nouvelle journée d'action».
Eric Fritsch (CFDT) s'est dit «déçu par la nature et le niveau des propositions», demandant des «compléments d'information» avant de prendre position.
Le gouvernement «veut réduire à néant tout le processus de la fonction publique de carrière et arriver à une gestion totalement individualisée», s'est indigné Gérard Noguès (FO). «S'il ne change pas son fusil d'épaule, on repartira au clash», a-t-il averti.
Elisabeth David (Unsa) a fait part de sa «grande déception», dénonçant une «remise en cause du statut, de la grille (indiciaire)» et «une grande discrimination».
«Le ministre a gagné du temps», a constaté Jean-Michel Nathanson (Solidaires) tandis que la CFE-CGC a regretté qu'il n'y ait «rien de concret sur la table» et que la CFTC a fait part de son «grand doute» sur la volonté du gouvernement de faire évoluer le pouvoir d'achat.