Entretien avec Hervé Morin, ministre de la Défense
Bousculer les conservatismes
France Soir : Quelle est la vocation du Nouveau centre ?
Hervé Morin : Nous considérons qu'en l'espace de dix ans, l'UDF a été totalement vidée de sa substance. Le Nouveau centre a donc pour vocation de faire vivre une famille de pensée qui trouve ses racines avec l’émergence de la Démocratie moderne, et lui redonner la place qui est la sienne.
Durant cette législature, nous porterons les idées que nous avons défendues aux côtés de François Bayrou durant la campagne présidentielle: rénovation des institutions, introduction de la proportionnelle, impartialité de l'Etat, dans le cadre des nominations, small-business-act à la française pour favoriser le développement des PME par exemple. Le Nouveau centre souhaite par ailleurs incarner la modernité de la majorité, être innovant, créatif. Nous ne voulons pas nous positionner dans la critique permanente, mais être une force de proposition qui bouscule les conservatismes.
Aurez-vous la possibilité de vous opposer à la politique du gouvernement ?
Nous sommes clairement dans la majorité. Nous avons rédigé une plate-forme de législature, c'est notre guide, et bien entendu, cela ne nous empêchera pas de considérer que tel ou tel article doit être amélioré, amendé, corrigé si cela ne nous semble pas une bonne idée.
Avez-vous signé un papier vous engageant à ne pas vous opposer au gouvernement ?
Nous n’avons rien signé. Ca, c'est des bêtises, ça n'existe pas. Mais on a une obligation de loyauté et de cohérence. On ne peut pas avoir suivi notre démarche pour dire à nos électeurs dans six mois qu'on quitte la majorité.
Comment vous situerez-vous par rapport au MoDem ?
Le Modem est dans la critique. J'ai lu les déclarations de François Bayrou sur la TVA sociale, or il n'a pas arrêté de la défendre durant la campagne électorale! Il dit maintenant que François Fillon doit trouver sa place, alors que nous avions rédigé un projet de constitution dans laquelle le chef du gouvernement devenait un coordinateur de l'action gouvernementale... La « méthode Sarkozy » d’expression directe et permanente devant le peuple, c’est celle que nous défendions.
Pourquoi alors vous être opposé à lui durant la campagne présidentielle ?
Parce que nous avions aussi nos idées, notre famille, une démarche politique qui était la notre. Ce qui ne nous empêche pas de voir ensuite les points d'accord, plus nombreux qu'avec le PS. D'ailleurs en regardant les programmes de François Bayrou et de Nicolas Sarkozy, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait très peu de points de désaccord...
Leur affrontement relevait donc davantage du combat personnel, entre deux ambitions ?
Oui. Car en vérité sur le contenu, il n'y avait pas tant de différences que cela !
Les ponts sont totalement rompus avec François Bayrou ?
Oui. La démarche du MoDem s'inscrit dans la perspective des élections de 2012. Et nous considérons les cinq années à venir comme devant être des années d’action utiles pour faire avancer la France.
Vous étiez tous les deux très proches. Qu'est-ce qui a provoqué la rupture ?
Tout d'abord, j'ai toujours dit dans nos tête à tête qu'au second tour, je voterai Nicolas Sarkozy. Ensuite, jamais il n' y a eu de démarche de François après le 1er tour de l’élection présidentielle, pour amorcer un débat interne sur les orientations politiques de notre formation : aucun vote, aucune motion d’orientation politique. Nous avons vu passer les coups.
Il a eu des mots très durs à votre égard suite à ce qu'il a considéré comme une « trahison ». Comment les avez-vous accueillies ?
Chacun son analyse. Peut on aussi considérer que le destin d’une famille politique ne se limite pas seulement au destin d’un homme qui décide seul ? Tout cela s'est fait dans la tristesse, dans la peine. Pour nous tous.
François Bayrou a même dit que vous aviez «pleuré à chaudes larmes»...
Oui, je ne m'en suis jamais caché.
Selon vous, sa stratégie a-t-elle de l'avenir ?
Je pense qu'on ne perd pas un capital de 6,5 millions de voix du jour au lendemain. Il en a perdu la moitié par son positionnement politique de l'entre deux tours. Donc il lui en reste la moitié. C'est encore beaucoup. Soit, il saura rebondir et apparaître comme une alternative. Soit, il terminera comme Philippe de Villiers, qui continue à exister à chaque échéance électorale mais sans peser dans la vie politique Française.
A ce propos, lors des législatives, vous avez inscrit des parents dans des circonscriptions pour bénéficier de l'aide publique...
Tout d’abord les membres de ma famille sont des citoyens comme les autres, et ont donc le droit d’être candidats pour participer au lancement d’un parti politique, si c’est leur choix. Tout le monde fait la même chose : pour ne pas avoir de sanctions financières, le PS parachute aussi des femmes dans des circonscriptions ingagnables qu'elles ne connaissent même pas. Et le MoDem a également présenté des gens qui n'avaient absolument aucune chance d'être élus, l'extrême gauche et l'extrême droite font exactement la même chose. Ces règles permettent d’avoir un système de financement public qui évite les tripatouillages, mais il mériterait d’être corrigé.
Quelle doit être selon vous le rôle de François Fillon ?
Nicolas Sarkozy a tiré les conséquences du quinquennat. Il a décidé d'être un président de la République actif, qui ne se cache pas derrière les rideaux de l'Elysée. Cela impose donc de remanier le rôle du Premier ministre qui avec cette grille de lecture devient plus le coordinateur, l'animateur du gouvernement. On met fin à une hypocrisie où bien souvent c'était déjà souvent à l'Elysée que se décidait l’essentiel.
Vous vous préparez à un budget difficile. Sacrifierez-vous le porte-avions ?
Nous travaillons dans la perspective de faire ce second porte-avions. Reste maintenant des problématiques à régler parmi lesquelles les discussions avec les Britanniques. Le président de la République a déclaré qu'il maintenait l'effort de Défense à 2% de la richesse nationale. On est le seul pays à faire cela encore en Europe avec les Britanniques. Mais on a connu un massacre des budgets de Défense sous le gouvernement de Lionel Jospin. Il y a eu un réel effort de redressement entre 2002 et 2007 dont les factures arrivent aujourd’hui logiquement à échéance. Il y aura probablement des choix à faire.
Envisagez-vous un retrait de nos troupes en Afghanistan ou au Liban ?
Il n’est pas question que la France retire ses troupes de ces deux pays. En Afghanistan, nous sommes là pour aider le pays à retrouver la stabilité dont il a besoin, même si nous n’avons pas vocation à rester éternellement. Aujourd’hui nos efforts portent sur la formation de l’armée nationale afghane afin qu’elle puisse assurer elle même la sécurité de son territoire. Quant au sud du Liban, nous tiendrons les engagements que nous avons pris à l’ONU en accord avec le gouvernement libanais, et resterons donc tant que l'armée libanaise ne sera pas elle-même capable d'assurer la sécurité sur la totalité du pays.
Propos recueillis par Thomas de Rochechouart
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